Responsables
- Thomas Aguilera (Sciences Po Rennes)
- Tom Chevalier (CNRS)
Méthodes mixtes et épistémologie des sciences sociales
La question des méthodes mixtes (démarche de combinaison de méthodes de traitement de données issues des mondes dits « qualitatifs » et « quantitatifs ») semble aujourd’hui incontournable en sciences sociales. Si les méthodes mixtes (MM) sont à la base des approches sociologiques des années 1960, la structuration des disciplines autour des clivages entre méthodes dites quantitatives et dites qualitatives ont finalement contribué à produire un fossé apparemment indépassable jusqu’à très récemment, notamment en sociologie et en science politique. Or, si les méthodes mixtes ont bien leur place depuis de nombreuses années dans d’autres sciences sociales, comme en santé publique, sciences de l’éducation, psychologie, sciences de gestion, mais aussi en évaluation des politiques publiques, elles ne furent réappropriées que récemment dans les années 2000 et 2010 par la science politique et l’économie. Aujourd’hui, les méthodes mixtes sont souvent présentées comme un horizon indépassable pour toute recherche, mais cela ne va pas sans poser un certain nombre de questions. En effet, au-delà des enjeux techniques et méthodologiques qu’elles soulèvent, les méthodes mixtes posent d’abord des questions d’ordre ontologique, épistémologique et méthodologique que nous proposons d’aborder dans le cadre de ce groupe transversal de recherche avec trois principales perspectives et dans une logique pluri- et interdisciplinaire.
Il s’agit tout d’abord de comprendre le développement des méthodes mixtes dans les sciences sociales, afin de saisir les opportunités et les problèmes que ces démarches supposent, les débats voire les critiques : il s’agit en tout cas d’insérer ce qui pourrait apparaître comme une « mode » dans le temps long et moyen des sciences sociales, le tout avec un regard interdisciplinaire et pluridisciplinaire.
Le travail du groupe transversal consiste alors sur un second plan à rentrer dans les débats sur les MM qui animent de nombreuses disciplines depuis une quinzaine d’années et qui ont donné lieu à de nombreuses propositions théoriques et méthodologiques afin de favoriser le développement des MM dans les recherches empiriques et la formation des nouvelles générations de chercheur.e.s aux MM. Sans faire des MM un nouvel impérialisme méthodologique, il s’agit de penser, de façon réflexive, les conditions de faisabilité et de pertinence des MM, toujours en fonction des questions et des objectifs de recherche. 3) Enfin, il s’agit de pratiquer les MM et de s’y former pour les mettre en application dans les recherches empiriques des participant.e.s au groupe de travail.
La question des MM est ainsi abordée à la fois sous l’angle de la stratégie (design) de recherche (renvoyant à l’élaboration de protocoles de recherche cohérents alliant énigme-problématique-hypothèses- choix des méthodes) et méthodologique (méthodes de traitement et collectes de données). Nous sommes ainsi à la croisée de réflexions ontologiques, épistémologiques et méthodologiques permettant aux chercheur.e.s à la fois de construire leur objet de recherche (lier la question de recherche, la stratégie de recherche, les méthodes), de progresser vers une analyse plus poussée des mécanismes et de l’inférence causale, ou encore d’innover pour participer à une forme accrue de cumulativité scientifique, notamment en pensant les articulations d’une diversité de méthodes de traitement de données (enjeu des méthodes mixtes) d’une part, et entre approches disciplinaires d’autre part (enjeu de l’interdisciplinarité et de pluridisciplinarité).
Ce groupe se veut transversal aux axes de recherche du laboratoire : il vise à ouvrir un espace de rencontre et de travail collectif entre les chercheur.e.s du laboratoire travaillant dans des disciplines variées, sur des terrains divers et mobilisant des méthodes différentes ; il se veut aussi comme un espace ressource pour des recherches individuelles et collectives car chacun.e peut soumettre à la discussion collective ses propres interrogations et travaux en cours ; il sera enfin un espace d’innovation qui donnera au laboratoire Arènes une place centrale dans l’espace national et européen des sciences sociales qui connaît des innovations rapides dans le domaine des méthodes, notamment sur les méthodes mixtes.
Plusieurs types d’activités de recherches collectives existantes ou en projet peuvent s’insérer dans ce groupe transversal :
- Un séminaire du groupe est organisé (mensuel ou bimensuel) sur le format d’une demi-journée comprenant des présentations de travaux en cours de chercheur.e.s du laboratoire mais aussi d’autres laboratoires et/ou de séquences de formation (à une méthode de traitement ou une technique de collecte de données, à une approche, etc.) ;
- De façon transversale, le groupe s’organise en plusieurs sous-groupes de travail afin de travailler de façon plus restreinte sur des travaux en cours et/ou de préparer des publications individuelles ou collectives, ou encore des séquences de séminaire ;
- Les « ateliers de la recherche » animés par Angèle Le Prigent et Gildas Brégain depuis 2018 se poursuivent de façon autonome mais peuvent donner lieu à des formes de coordination et/ou des activités communes.