De l’ « épiphanie végane » à l’engagement dans l’action collective : spécificité(s) des carrières militantes antispécistes en France et au Québec

Veillard Nolwenn
Sous la direction de : Christine Guionnet

Année de début : 2021
Discipline : Science politique
Localisation : Université de Rennes 1
École doctorale : ED DSP
Affiliation : Université de Rennes 1

Résumé

Dans la première moitié du XIXe siècle, les premières organisations dédiées à la protection des animaux voient le jour en Europe. Depuis, la cause s’est progressivement redéfinie et revêt de nouveaux atours. L’antispécisme est l’une des « expressions contemporaines critiques » qui participe à la transformation de la « physionomie de la cause » (Carrié, Doré & Michalon, 2023). Ce mouvement, qui trouve ses origines dans les années 1970 à Oxford, développe effectivement une critique systémique de l’exploitation animale et récuse la domination qu’exercent les êtres humains sur les « autres animaux ». En France comme au Québec, c’est dans les années 2010 qu’il commence à résonner dans les arènes politiques et médiatiques.

De l’ « épiphanie végane » à l’engagement dans l’action collective, cette thèse cherche donc à recomposer les carrières de militant·e·s antispécistes en France et au Québec, pour mieux comprendre les spécificités de cette « croisade morale ». Cette étude du mouvement et de ses acteur·rice·s propose ainsi une contribution aux nombreux questionnements qui animent la sociologie des mobilisations collectives. En particulier, la « réforme de soi » que suppose l’engagement antispéciste pose la question de l’individualisation et de la préfigurativité – voire de l’exemplarité – de l’engagement. Mais, paradoxalement, l’étude des parcours pointe l’importance fondamentale de l’ancrage communautaire dans la trajectoire militante, à la fois moteur et facteur de maintien dans la cause.

Par ailleurs, cet engagement bouleverse les représentations ordinaires du monde et place les acteur·rice·s du mouvement à rebours des outsiders. Cette particularité interroge ainsi les dispositifs de sensibilisation privilégiés, les répertoires d’action collective mobilisés, tout comme la réception du message antispéciste ainsi véhiculé.

Comme la légitimité de la cause est parfois mise en doute, l’étude du mouvement conduit également à s’intéresser aux leviers que les militant·e·s actionnent dans une perspective plus large de construction d’une identité stratégique. Façonnée par analogie avec les autres grands systèmes de domination, théorisée comme la poursuite logique d’un processus de civilisation des mœurs, la théorie antispéciste prône l’extension du cercle de considération morale aux « autres animaux ». En ce sens, le mouvement s’inscrit dans la lignée d’autres luttes progressistes et intègre des principes formulés dans d’autres causes. L’adoption de cet « ethos égalitaire » (Clair, 2011) mène donc à s’intéresser à la façon dont l’engagement pour les animaux conduit à intérioriser un capital militant multipolaire.

Cette recherche s’intéresse également aux dispositions sociales des acteur·rice·s du mouvement afin de cerner le profil de celles et ceux qui s’engagent pour les animaux. Un intérêt particulier est porté au genre et à ce qu’il produit sur la cause. Enfin, la dimension comparative de ce travail de recherche conduit à poser la question de la circulation des savoirs, des pratiques et des discours : des cercles académiques vers les univers militants, d’une lutte « progressiste » à l’autre, ou au sein de l’espace transnational de la mobilisation.