Une école pour chacun ? L’autonomie enseignante face à la l’injonction à la personnalisation
Enquête ethnographique au sein de trois lycées sur la réforme Chatel

Giraudon Camille
Sous la direction de : Erik Neveu / Bertrand Geay, co-directeur

Année de début : 2012
Date de soutenance : 30/11/2020
Discipline : Sciences Politiques
Localisation : Faculté de droit - Rennes 1
École doctorale : ED DSP
Affiliation : Rennes 1

Résumé

Présentée comme indispensable pour répondre à l’hétérogénéité croissante du public scolaire, une logique de différenciation du traitement des élèves accompagne, sous diverses formes, le processus de massification scolaire. En engageant les acteurs éducatifs à « personnaliser » la prise en charge des élèves et les parcours scolaires, dans le cadre d’une autonomie accrue des établissements, la réforme Chatel des lycées d’enseignement général et technologique réactualise cette logique d’adaptation scolaire.

Cette thèse interroge les appropriations et effets de la réforme Chatel dans les établissements sous l’angle de la cohérence du groupe professionnel, et plus encore de ce que l’injonction à la personnalisation fait à l’autonomie professionnelle enseignante, entendue comme la capacité du groupe à maîtriser la définition et la pratique du travail. Elle s’appuie pour cela sur une enquête ethnographique, menée dans trois lycées, qui articule observations du quotidien professionnel et entretiens avec des enseignants ainsi que des personnels de direction. Grâce à l’éclairage croisé de la sociologie de l’action publique et de la sociologie des groupes professionnels, la thèse montre que les reconfigurations ambivalentes que la réforme alimente dans les rapports au métier des enseignants, ainsi que dans les rapports de travail et de pouvoir au sein des établissements, tendent à fragiliser l’autonomie du groupe professionnel enseignant. D’une part, si les marges d’autonomie octroyées par la réforme permettent aux équipes enseignantes de modeler partiellement leur cadre de travail, elles se heurtent au renforcement des moyens d’action des personnels de direction et à leur incursion facilitée en territoire pédagogique. D’autre part, au-delà d’une tendance commune à l’alourdissement de la charge du travail, les injonctions et dispositifs de la réforme font l’objet de logiques pratiques contrastées et génèrent des effets asymétriques sur les rapports au métier. Ceux-ci s’arriment à des trajectoires sociales et à des positions dans l’espace professionnel elles-mêmes différenciées. Enfin, l’autonomie d’un groupe professionnel passe également par sa capacité à se penser et s’organiser collectivement. Or, si la réforme étudiée peut être le support de dynamiques collectives à l’échelle locale, elle participe également au morcellement des expériences professionnelles et révèle autant qu’elle exacerbe des clivages dans les conceptions et positions professionnelles.

Cette thèse contribue ainsi à éclairer les recompositions des modalités de travail et d’organisation du groupe enseignant, au cœur d’une tension entre processus de segmentation et manières renouvelées de faire collectif.