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Infos pratiques

Mardi 6 juin 2023 à 13h00 > Vendredi 9 juin 2023
EHESP - Amphithéâtre Gro Harlem Brundtland, bâtiment Condorcet C

Organisateur(s)

EHESP
Arènes
Conférence universitaire de démographie et d'étude des populations (CUDEP)

Colloque national de démographie – « Handicaps et autonomies »

Handicaps et autonomies, enjeux démographiques

Plus que jamais la collecte de données renseignant sur les conditions de vie des populations relevant du champ du handicap est un enjeu majeur. Quand elles documentent l’effectivité des droits, elles mettent à jour les inégalités entre les personnes présentant une déficience ou un trouble et l’ensemble des populations. Quand ces données concernent les profils des populations reconnues handicapées, elles mettent en avant les inégalités liées à l’âge ou au genre. Lorsqu’elles informent sur les conditions d’application des droits reconnues, elles soulignent les discriminations induites par la mise en œuvre formelle et informelle de la vie quotidienne. Si les discriminations qui se vivent au quotidien sont soumises aux procédures judiciaires prévues pour les combattre, elles ne sont perceptibles qu’au regard de données statistiques les mettant à jour et renseignant sur les facteurs y contribuant. Les organisations internationales soulignent la nécessité de développer des systèmes de collecte de données permettant l’évaluation et le suivi des politiques à l’égard des personnes présentant une déficience aux niveaux national et international.

Cette exigence se heurte toutefois à de multiples contraintes. Les données existantes ne permettent pas toujours de comparer la situation des personnes présentant une déficience ou un trouble avec celle rencontrées par l’ensemble de la population. Par ailleurs, rares sont les pays ayant des informations précises sur les conditions d’accès aux droits : si la plupart d’entre eux disposent de données relatives aux personnes admises en établissements spécialisés, ils sont peu nombreux à disposer de données fiables sur celles accédant aux dispositifs de droit commun. En outre, les données relatives aux populations accédant aux dispositifs de droit commun ne renseignent qu’approximativement sur la réceptivité des institutions à la déficience : le manque d’informations sur l’effet capacitant des soutiens et des aménagements empêche de savoir si les populations concernées sont placées à égalité de traitement avec les autres et prémunies contre les discriminations. Cette absence fiable de données consacre une spirale du silence opposant la visibilité statistique des personnes admises en institutions spécialisées à l’invisibilité statistique des innommables accédant au droit commun. Cette spirale du silence transforme l’accès au droit commun en une source de désenchantement et de déréalisation de soi qui participe du processus de production du handicap.

Cette absence de données fiables résulte sans doute d’un flou entourant les notions de handicap et d’autonomie ouvrant la porte à des interprétations multiples sur les modes de classement retenus. Elle souligne aussi le poids des dimensions culturelles et du pouvoir créateur des dimensions anthropologiques inhérentes à toute société. Elle est aussi inhérente aux difficultés méthodologiques liées à l’identification des populations et aux disparités dans la collecte des données induites par les critères d’éligibilité aux aides et aux aménagements ainsi que par la protection des données personnelles. Elle est en outre consubstantielle des contraintes conceptuelles et méthodologiques imposées par la contextualisation des modalités de concrétisation des droits et la nécessité croissante de relier les processus et les inégalités aux formes de trajectoires et de parcours expérimentés ainsi qu’à leur cohérence et leur continuité.

Cette absence de données rappelle néanmoins que les catégories statistiques ne peuvent être appréhendées à la seule aune d’une perspective fonctionnaliste liée aux objectifs administratifs ou gestionnaires. Cette perspective met l’accent sur les façons de mesurer ou encore sur la fiabilité des opérations statistiques au détriment des diverses dimensions participant de la naturalisation des phénomènes analysés. Elle invite à porter le regard sur les formes de décentrement permises par les méthodes d’analyse démographiques pour relier les catégories statistiques, l’analyse des politiques publiques et des conditions de vie des personnes concernées aux formes d’orchestration de la déficience auxquelles elles renvoient et aux configurations régissant le traitement social du corps autre et différent.