Infos pratiques
Intervenant.e(s)
Émilie BilandCyrine Gardes
Organisateur(s)
Bleuwenn Lechaux, Pierre RouxelSéminaire – Émilie Biland et Cyrine Gardes « Des militant.es face aux amendes : manifester en contexte pandémique, de la rue au tribunal »
La restriction des libertés publiques est une des dimensions majeures de la crise pandémique en France, caractérisée par un régime juridique d’exception, celui de l’état d’urgence sanitaire (2020-2022). Toutefois, l’impact de ces restrictions a jusqu’ici surtout été analysé en termes individuels, qu’il s’agisse d’estimer la réduction des circulations ou de constater le recours massif aux amendes pour réprimer les personnes contrevenant au droit pandémique de l’espace public. De surcroît, ces analyses ont surtout porté leur attention sur le premier confinement (mars-mai 2020), marqué par les plus fortes restrictions, par l’existence d’un dispositif spécifique de contrôle des circulations (l’attestation) et par le plus grand nombre d’amendes.
Inscrite dans un projet de recherche portant sur les expériences ordinaires de la légalité pandémique débuté en 2021, cette présentation propose plutôt d’appréhender les ressorts collectifs des libertés publiques, en articulant sociologie des mobilisations et sociologie du droit et de la justice. Plus précisément, elle porte sur quatre manifestations s’étant déroulées dans quatre villes hexagonales dans cette période charnière que constitue le mois de mai 2020. En effet, durant cette période, les règles d’accès à l’espace public se sont assouplies, tout en restant restrictives et incertaines. Signe de cette ambiguïté normative, ces quatre manifestations n’ont pas été dispersées par les forces de l’ordre, mais elles ont donné lieu à des contrôles d’identité et à des verbalisations, que certain·es manifestant·es ont ensuite contesté en justice, de manière victorieuse dans trois cas sur quatre.
Cette présentation vise ainsi à comprendre un double processus de mobilisation : d’abord une dynamique de réinvestissement de l’espace public, collectivement déserté pendant plusieurs semaines, au nom de causes politiques (de la fête du travail au soutien aux sans-papiers et aux syndicalistes), puis une dynamique de contestation de la répression financière de ces manifestations. Elle examinera les conditions de possibilité et les conditions de succès de cette « mobilisation au carré », tant en termes de régime juridique (celui-ci changeant significativement le 11 mai 2020) que de caractéristiques des militant·es et des professionnel·les du droit qui ont accompagné leur contestation du droit pandémique.