Du printemps 2020, chacun d’entre nous garde le souvenir des attestations à remplir, des limites qu’elles imposaient et des vérifications policières qu’elles autorisaient. Pourtant, rares sont les bilans consacrés à ce versant coercitif de l’enfermement national. C’est tout l’enjeu de cette enquête. Pendant 55 jours, les forces de l’ordre firent le vide sur l’ensemble du territoire, y compris dans les espaces naturels que survolaient des drones et des hélicoptères. Assistées par d’improbables auxiliaires et de nombreuses délations, elles procédèrent à 21 millions de contrôles et infligèrent 1,1 million d’amendes. Cette situation où tout le monde, aisé ou pauvre, habitué à donner des ordres ou à en recevoir, était soumis aux mêmes interdits et aux mêmes vérifications, apparaît historiquement singulière. Elle offre l’opportunité d’étudier grandeur nature la production du conformisme (qu’est-ce qu’obéir à l’État ?) et son ancrage social. De la claustration totale au refus des règles, cet ouvrage suit les lignes de conduite qu’empruntèrent les confinés, soumis à une surveillance massive dont on trouvait alors, en Europe et dans le monde, bien peu d’équivalents.