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Infos pratiques

Mardi 2 décembre 2025 à 14h00 > 16h00
En cours d'organisation

Intervenant.e(s)

Graeme Hayes
Centre for Migration and Forced Displacement, Aston University

Discutant.e(s)

Jean-Pierre Le Bourhis CNRS

Contact

Pierre Rouxel

Séminaire général

Nous aurons le plaisir de recevoir Graeme Hayes, sociologue (Aston University, Royaume-Uni), pour une présentation (en français) intitulée « La criminalisation du militantisme non-violent en Grande-Bretagne : réflexions sur les procès des Colston 4 et des « Tournesols » de Just Stop Oil ».
 
Graeme Hayes est un éminent spécialiste des mouvements de désobéissance civile, particulièrement ceux en lien avec l’urgence climatique. Il est l’auteur de nombreuses publications sur le sujet, dont cet ouvrage de synthèse bien connu dans l’espace francophone.
 
 

Résumé : pour cette présentation, je comparerai deux procès pénaux de militant·es ayant mené des actions directes en Grande-Bretagne. Le premier concerne le procès de quatre personnes devant la Bristol Crown Court, en décembre 2021 et janvier 2022, pour avoir déboulonné la statue de l’esclavagiste Edward Colston lors d’une manifestation Black Lives Matter, également à Bristol, en juin 2020. Le second concerne le procès de deux activistes du groupe Just Stop Oil, à la Southwark Crown Court en juillet 2024, pour avoir jeté de la soupe sur les « Tournesols » de Van Gogh à la National Gallery de Londres, en octobre 2022. J’ai assisté à ces deux procès en tant qu’observateur ethnographique, dans le contexte d’une enquête plus profonde sur les actions de désobéissance civile en Grande-Bretagne et les procès des militant.es qui en ont découlé (avant tout dans les mouvances climatiques et de solidarité palestinienne). Mon but ici est de me servir de ces observations pour analyser les processus spécifiques de la « criminalisation » de l’activisme non-violent en Grande-Bretagne. Je m’approche au procès comme un lieu privilégié de l’affrontement d’ordres normatifs opposés, où des questions de démocratie, communauté et légitimité, et d’échelle, expertise et statut, sont instables et peuvent être assujetties à des déterminations symboliques conséquentes. Je m’appuierai donc en particulier sur la conception de « drame social » de Victor Turner (1974), et également sur les « paradigmes de la répression » de Vanessa Codaccioni (2025).

Dans ces termes, la relaxe des Colston 4 par un jury populaire a constitué une « crise normative » pour l’Etat, qui a réagi au verdict en supprimant la possibilité pour la défense de développer un contre-récit contextuel en droit dans les procès futurs des militant.es, limitant ainsi la capacité démocratique des publics locaux à décider à rebours des normes nationales d’ordre et de légalité. Ce « rétablissement du pouvoir de l’Etat » explique en partie la condamnation en 2024 des deux militantes de Just Stop Oil, à des peines de 24 et 20 mois de prison ferme, pour leur action de « vandalisme simulé » du tableau de Van Gogh. Si les deux accusées sont traitées comme des « criminelles ordinaires » ne pouvant pas citer la liberté d’expression comme défense, les sanctions infligées révèlent un enjeu plus profond : la menace qu’elles (et au-delà, le militantisme non-violent) représentent s’orienterait à la sphère publique elle-même, nécessitant une justice « exceptionnelle ».

On assiste ainsi à un acte de réparation normative : l’issue du procès des Soupthrowers « répare » symboliquement le « problème » posé par le verdict du jury dans l’affaire Colston. Ce qui se perd dans cette réparation, ce sont les droits démocratiques tant des manifestant·es disruptif·ves que des jurys.