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Infos pratiques

Mercredi 20 décembre 2023 à 14h00 > 18h00
EHESP - Salle D7

Intervenant.e(s)

Mathias Seguin
Université de Rennes

Soutenance de thèse de Mathias Seguin

Titre de la thèse :  « Changer le monde ! ». La conversion des travailleurs sociaux à l’approche centrée sur le rétablissement dans le secteur de l’hébergement social à Paris »

 

Les membres du jury :

  • Isabelle ASTIER, Professeure des universités, Université de Picardie, rapportrice
  • Patrick HASSENTEUFEL, Professeur des universités, Université Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines, rapporteur
  • Clémence LEDOUX, Maîtresse de conférences, Université de Nantes, examinatrice
  • Nicolas MARQUIS, Professeur des universités, Université Catholique de Louvain, Saint-Louis, examinateur
  • Bertrand RAVON, Professeur des universités, Université Lyon 2, examinateur
  • Claude MARTIN, Directeur de recherche CNRS, ARENES, co-directeur de thèse
  • Thomas AGUILERA, Maître de conférences, Sciences Po Rennes, co-directeur de thèse

 

Résumé de la thèse :

Généralement qualifié par ses adeptes de révolution sociale et de changement de paradigme, le modèle du Recovery (rétablissement) circule en France depuis les années 2010, porté par différents chercheurs du champ disciplinaire naissant de la santé mentale. Parent proche du développement personnel,  prescrivant la recherche prioritaire du bien-être, de la « bonne santé mentale » et de l’empowerment individuel dans le cadre des soins apportés aux patients souffrants de troubles psychiques, il s’est progressivement diffusé, hybridé pour finalement être implanté au sein du secteur de l’action sociale. Cette thèse montre comment ce modèle, fondé sur un rejet des formes institutionnelles de la relation d’aide, sur une critique des pratiques historiques de ce secteur et concourants à l’effritement des ressources discrétionnaires d’autonomie professionnelle de ce métier, a paradoxalement été saisi et approprié par un segment du groupe professionnel des travailleurs sociaux. À partir d’une enquête ethnographique multi-située de quatre années au sein de l’espace d’interaction d’un centre d’hébergement et de réinsertion sociale parisien, cette thèse démontre que si le rétablissement a été réceptionné par les travailleurs sociaux – au point de revendiquer une nouvelle identité professionnelle – c’est moins en raison des idées qu’il véhicule que du fait de sa logique sociale de circulation, constituée à la manière d’une carrière sociale de conversion religieuse. Dans le contexte d’un secteur d’action publique en proie à une crise d’utilité et de légitimité, le modèle du rétablissement s’illustre par la structuration d’une communauté interprofessionnelle imbriquée, centrée sur la croyance en la capacité salvatrice de sa mise en pratique, accordant à ses membres de nouvelles formes de ressources, valorisées et valorisantes, en marge de celles octroyées par leur appartenance institutionnelle et professionnelle. En s’y convertissant, les travailleurs sociaux s’engagent et sont engagés à « changer le monde », soit à investir la lutte pour la propriété légitime du « vrai » travail social, et donc pour la définition de l’ordre distribué des positions hiérarchiques et symboliques au sein de ce champ d’action publique. Appuyé par l’analyse de l’ensemble de la chaîne de circulation de l’objet rétablissement, allant de son importation depuis le Québec par l’intermédiaire de différentes catégories sociales de passeurs (I) jusqu’à son appropriation et son usage par les professionnels au front du social (II), cette thèse défend que les idées, dans le cadre d’une sociologie du changement institutionnel et des groupes professionnels, ne sont pas des causes du changement mais des effets dérivés de la réverbération du résultat des luttes de sens et de positions entre groupes sociaux au sein de l’espace concurrentiel de la relation d’aide.

La soutenance de thèse aura lieu à l’EHESP, salle D7